Les années américaines (partie 2)

Si l’oeuvre de Jacques Halbert évoque immédiatement l’image d’un motif, la cerise ne résume pourtant pas toute son œuvre.
Artiste inclassable, Jacques Halbert a vécu pendant plus de vingt ans aux États-Unis, période au cours de laquelle il a développé des séries aujourd’hui largement méconnues en France mais exposées de leur temps aux États-Unis à New-York, en Floride et en Californie.

Née d’une collecte d’images populaires, la cerise est le point de départ d’une mythologie singulière où la peinture côtoie les attitudes et la performance. Mais Jacques Halbert ne s’y est pas limité. Aux États-Unis au milieu des années 80, il invente la patate à fumer : des toiles réalistes représentant des pommes de terre parfois anthropomorphes, fumant des cigares avec une nonchalance subversive. Dans une autre série Projets pour une peinture, l’artiste colle sur la toile une carte postale – reproduction populaire d’un chef-d’œuvre de l’abstraction, d’un paysage, d’un de coucher de soleil ou d’une recette de cuisine – puis en prolonge l’image. Devant ces paysages, l’artiste y place souvent une poire et un citron, peints à la manière d’une nature morte classique. Ces fruits deviennent les spectateurs silencieux d’un musée imaginaire, à la manière de celui décrit par André Malraux. Face à ces cartes postales insérées dans la toile — fragments reproductibles de chefs-d’œuvre ou d’images triviales —, le regard se déplace dans un espace mental où les œuvres, arrachées à leur contexte historique, entrent en résonance. Le citron et la poire, posés face à ces fragments recomposés, ne sont pas seulement des éléments de nature morte : ils incarnent une posture — celle d’un regard qui contemple sans révérence, habite les images, et invite à penser la peinture non plus comme un objet sacré, mais comme un terrain de jeu, de mémoire, et d’invention.

Cindy daguenet